23 décembre 2010

Introduction de la lecture à travers la neurologie

Les premières traces de l'Homme remonte à environ 32 000 années, sur la base de peintures retrouvées dans la grotte Chauvet (trace symbolique de la main). Plus récemment encore, avec les découvertes de Lascaux, dans laquelle on retrouve des signes qui sont une tentative symbolique de représentation. Mais nous ne pouvons pas encore parler de langage. 
Sa représentation arrivera beaucoup plus tard, il y a seulement 5400 ans, où l'Homme a imaginé qu'il pouvait représenter le langage. Il s'est rendu compte que ses dessins pouvaient perdre leur caractère descriptif et tendre vers des dessins strictement symboliques, avec un lien arbitraire entre la forme et la signification. Et de tels systèmes d'écritures sont alors apparus dans différents endroits du monde, avec des principes légèrement différents (on peut par exemple comparer l'écriture latine aux hiéroglyphes). 
Ces systèmes de symboles ont permis le développement de nombreuses activités humaines : l'enregistrement de la mémoire, ou encore l'organisation de systèmes mathématiques. 

Nous avons développé des aptitudes dans une but de communication, soit par le développement de la parole qui passe de façon schématique par la bouche, ou encore par le développement de l'écriture qui passe par le biais des yeux. 
La lecture est un fait culturel. Si le taux d'alphabétisation est resté autrefois si élevé c'est bien qu'il s'agit d'une question d'éducation, d'un apprentissage. 
En effet, notre cerveau n'est pas naturellement prévu pour lire. Nous sommes parvenus à en détourner son système afin de pouvoir lire. Il se trouve dans la partie gauche du cerveau, une zone qui a pour fonction d'analyser des informations graphiques rapidement. Autrefois elle devait être particulièrement active pour repérer les prédateurs ou les proies. D'où désormais son adaptation possible à la lecture. Nous savons qu'un bon lecteur parvient à lire trois cents mots en une minute par le biais de saccades.

De cette manière le dessin des lettres a été pensé pour se rapprocher au mieux de nos aptitudes visuelles. Cela nous a conduit à dessiner des droites, des courbes, des lignes horizontales et verticales, que nous sommes capables de reconnaître facilement et que notre cerveau peut enregistrer efficacement. Les formes des lettres ont été adapté selon les propriétés de nos yeux, puis nous avons ainsi développé des habitudes et des automatismes pour les reconnaître. Nous avons ainsi constitué des squelettes de lettres (pour renvoyer une fois de plus au schéma d'Adrian Frutiger montrant la structure commune des caractères romains, sur la base de la classification de Maximilien Vox). 
Pour boucler le boucle, je terminerai cet article en disant que notre connaissance repose sur des matrices dont nous nous éloignons peu, car elles font parties de notre mémoire collective. Et finalement si elles perdurent c'est bien parce qu'elles ont été conçu pour répondre au mieux à nos facultés cérébrales. 

Il doit être intéressant de parcourir les nombreuses et différentes écritures conçues de part le Monde, afin de réaliser les diverses possibilités.   

S.


Les mécanismes cérébraux de la lecture, de Stanislas Deheane, 
au Collège de France.
While you're Reading, Gerard Unger, éd. Mark Batty Publisher, 2007.



21 décembre 2010

Adso chez BAT

Présentation de l'Adso, dessiné par Bruno Bernard, chez BatFoundry.
Il a choisi de revisiter la gothique. Objectif périlleux, mais plutôt réussi, non ? Il a trouvé un bon compromis, entre le caractère romain que nous connaissons bien, tout en y attachant des caractéristiques propres à la gothique. Son discours y ajoute une dimension intéressante. Il a la volonté de donner une deuxième vie au gothique, en l'éloignant des connotations qui lui sont attachées, et tout en se le réappropriant. 

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(Je me permets un petit constat, étant particulièrement attentive aux sous-titres. Ils ont opté pour une typographie à chasse réduite, faible montante et descendante, donc une assez grande hauteur d'œil et avec des terminaisons qui se réduisent. Le choix de la couleur jaune, qui apparaît de façon récurrente sur le fond blanc, ne ressort pas suffisamment avec la faible ombre portée. Ils ont également choisi de rester sur une seule ligne ce qui crée de longues phrases. Difficile de dire ce qui marche ou pas, mais c'est toujours intéressant de comparer.)

S.

17 décembre 2010

Le Times en pharmacie



Petite disgression. Je profite de la maladie pour me pencher sur une notice de médicament. Et je découvre un Times bien bien étroitisé. En tout les cas, il ne faut pas être fébrile des yeux !
On peut peut-être commencer une collection de notices ?

S.

15 décembre 2010

Perception de la lettre et du mot

Les sous-titres amènent à une lecture différente que celle que nous avons l'habitude d'exercer et là est toute la richesse mais aussi la complexité de ce sujet.
D'après une conférence de Stanislas Deheane(1) sur Les mécanismes cérébraux de la lecture, lorsque nous sommes enfants et que nous apprenons à lire, nous avons une lecture sérielle, c'est-à-dire que nous lisons lettre par lettre. Petit à petit, avec l'expérience, notre lecture devient globale, nous reconstituons l'image-mot, comme tu le soulignes à travers l'exemple d'Herbert Spencer.
En revanche, lorsque la lecture est perturbée, notre lecture déstabilisée redevient alors une lecture sérielle. De ce fait, l'importance de la silhouette est plus fragile à l'écran en tant que sous-titres.
Du coup, en ce moment je n'explore plus seulement le dessin de caractère lettre par lettre, mais j'essaie aussi de penser la lettre dans le mot, afin d'essayer de valoriser la silhouette, cette information qui est détériorée. De ce fait, j'accentue les montantes et le descendantes. Je joue avec l'interlettrage. Je bouche les contre-formes. Je mets en place un ligne qui guide le regard, qui stabilise le mot. J'expérimente. (Je montrerai bientôt des essais.)

Autre point par rapport à notre lecture, notre regard se porte plus généralement sur la partie supérieure des lettres et ça revoit aussi au test du notaire Leclerc(2) qui montre que nous pouvons lire seulement avec la partie supérieure des mots. Du coup dans l'accentuation des distinctions entre les lettres, je me focalise davantage sur la partie supérieure des lettres. 
85% des lettres ont une partie supérieure, 15% seulement ont une partie inférieure. Par en haut, nous trouvons toutes les capitales, tous les accents, les points des i j et les montantes des lettres b d f h k l t. Tandis que pour le bas, nous trouvons seulement les lettres g j p q et y. (Ce calcul vaut particulièrement pour les langues ayant des accents.)

Nous avons vu que les caractères étroits que l'on retrouve parfois dans les annuaires relèvent d'une lecture discontinue.
En effet, les sous-titres ne sont jamais des textes très importants en terme de quantité (exemple pour Arte (ça varie d'une chaîne à l'autre), le maximum est de 35 signes maximum par lignes (espaces compris) et sur deux lignes maximum).
Néanmoins, la lecture de la phrase dans son ensemble est très importante, car si la lecture d'un mot échappe, il pourra être deviné dans l'ensemble de la phrase, bien sur aussi dans le contexte de l'histoire.
C'est la même chose que sur le papier, mais en plus extrême car on ne maîtrise pas le rythme de la lecture. On ne peut pas décider de revenir en arrière. Lorsque l'on lit, on récupère très peu d'informations à la fois. On lit par saccades, 3 à 4 saccades par seconde. Et le cerveau reconstitue le sens de la phrase sur la base d'acquisition d'informations à partir des mots isolés.

Notre cerveau fait un sacré boulot. Voilà pourquoi tant de personnes préfèrent regarder des films doublés. On y perd en authenticité mais pas en énergie cérébrale.

S.



(1) Les conférences de Stanislas Deheane 
sont en écoute sur le site du Collège de France.


(2) Ladislas Mandel, explorateur de la typo française
par Olivier Nineuil, Typographie.





7 décembre 2010

Un petit corps ne va pas de pair… (suite)

Un caractère large a l’avantage d’avoir de grandes contreformes et ainsi de faciliter la reconnaissance des signes en petit corps. Il faut donc garder à l’esprit qu’une bonne distinction des lettres est importante pour une lecture rapide, comme c’est le cas pour les sous-titres (va voir les projets de caractères pour la signalisation routière). Un caractère trop étroit va te contraindre fortement et va compliquer la distinction entre les signes. Ainsi, quand on regarde un texte composé à l’aide d’un caractère condensé, on voit assez nettement que tous les caractères s’homogénéisent à cause de leur verticalité. Les signes sont donc plus difficilement lisibles.

Il semble donc qu’un caractère condensé soit plus propice à une lecture discontinue qu’à une lecture continue. Je ne suis pas un spécialiste du sous-titrage, mais il me semble que ce ne sont jamais de gros pavés de texte, donc dans ton cas ça pourrait plutôt convenir. Surtout que tu as totalement raison en disant que ça serait plus compatible avec de courtes justifications. Évidemment, il s’agira pour toi de ne pas aller dans les extrêmes et de ne pas proposer un caractère trop étroit.

Un caractère étroit est donc théoriquement moins lisible qu’un caractère à la chasse généreuse. Cela dit, si tu perds en lisibilité au niveau de tes contreformes, à toi d’aller en récupérer sur d’autres fronts ! Ainsi, d’après moi, Il ne faudra pas que tu exagères trop l’œil de ton caractère afin que les dépassantes restent de taille suffisamment importante. 

Comme l’illustre le schéma d’Herbert Spencer (fig. 1), l’œil appréhende les mots grâce à leur silhouette et leur structure. Une silhouette facilement reconnaissable passe par des dépassantes généreuses. Puisque la structure de tes mots (= contreformes) sera limitée par l’aspect condensé de ton caractère, je pense qu’il faudra donc que tu accentues les dépassantes en vue de faciliter la lecture. Comme ça tu pourras regagner en « silhouette » ce que tu perds en « structure ».

Pour finir, un exemple intéressant de caractère condensé : le Jalleau. Ce caractère a été réalisé par Franck Jalleau en 1995 pour le Code des impôts (fig. 2 & 3). La demande était simple : pour des raisons de coût, le format du Code a été réduit mais il fallait que le nombre de pages reste le même (ils sont passés du format A4 au format 135 x 190 mm…). Pour faire face à ce cahier des charges drastique, Franck Jalleau s’est basé sur l’Helvetica condensé corps 7. Il a repris les proportions du caractère qu’il a ensuite réadaptées pour réaliser le Jalleau. Ce projet prouve donc qu’un caractère condensé peut parfaitement convenir à une lecture discontinue en petit corps.

M.

Fig. 1 : Herbert Spencer, The Visible Word, Londres, Royal College of Art, 1968.



Fig. 2 : Code des impôts (© photo : Morgane Rébulard).

Fig. 3 : Code des impôts (© photo : Morgane Rébulard).

30 novembre 2010

Un petit corps ne va pas de pair avec une grande chasse !

Je dessine un caractère typographique pour des sous-titres de film. De ce fait, je rencontre de nombreuses contraintes : c'est un caractère de petit corps (pour ne pas encombrer l'image), il apparaîtra dans un temps court (seulement quelques secondes) et sera perturbé par les images mouvantes en arrière-plan.
Je comptais donc partir sur un corps assez robuste, avec peu de pleins et déliés, un dessin ouvert, une grande hauteur d'x, un interlettrage important et du coup qui dit petit caractère dit une chasse plutôt large. Mais voilà que je découvre (en tant que novice), que finalement deux possibilités s'offrent à moi pour dessiner un petit corps : soit un corps petit et une large chasse, soit un corps un peu plus grand mais plus étroit. Du coup je penche désormais pour la deuxième possibilité, qui est d'ailleurs conseillée pour les courtes justifications (ce qui est le cas pour les sous-titres). Cette situation est aussi valable pour les annuaires téléphoniques, avec par exemple le Bell Centennial ou le Bell Gothic.
Je suis dans la première phase de recherche et ouverte aux avis et conseils !!

S.



  Jost Hochuli, Le détail en typographie, Éditions B42, 2010, p.34




Comparaison du Linotype Univers Condensed Medium et Basic Medium. 
Le texte en étroit est composé sur 8 lignes en 7 pt, en Basic sur 9 lignes en 6 pt. 


Minuscule, Revue Suisse de l'imprimerie, 
éd. par le syndicat des médias comedia pour l'éducation professionnel, 2004.

24 novembre 2010

Les 19 commandements




Un lien que je trouve super : typeworkshop.
C'est une série de croquis d'Underware qui expliquent les fondamentaux de la typographie. Ça a l'air assez basique à première vue, mais je trouve qu'il y a un certains nombres d'informations clés et incontournables pour débuter et comprendre le dessin de caractères.
Enjoy !

M.

9 novembre 2010

Approche des Pixaçaos



Interview de François Chastanet qui nous fait part de son analyse des écritures urbaines présentes à Sao Polo : Les pixaçoas. (Pour une lecture plus imagée, il est possible de consulter ses ouvrages.)

Ce n'est pas un hasard s'y l'on retrouve cette interview sur le blog de Jérémie Baboukhian qui a effectué le même parcours, passant de l'architecture à la typographie.
J'en profite donc pour mentionner son blog : 4raw, sur lequel on peut suivre l'actualité autour du livre et de l'image, mais aussi découvrir quelques pépites qui font voyager. Je renvoie également à son site (en étroite collaboration avec Michèle Wang) où l'on retrouve un travail graphique et typographique pointu. (Ce qui fait plaisir !)

Jérémie Baboukhian participe à l'organisation des conférences données à Paris 8 : mrcrdsgn. Heureux les parisiens qui peuvent s'y rendre ! 

S.

3 novembre 2010

Entre tradition et innovation (suite)

C’est une vaste question que soulève S.. Même si tu as raison en disant que les formes typographiques ont évolué depuis l’invention de Gutenberg, je pense pour autant que leur structure n’a pas foncièrement changé. C’est assez fou de se dire que Nicolas Jenson et les autres typographes de l’époque ont mis au point des formes qui sont toujours viables aujourd’hui. On peut facilement utiliser l’Adobe Jenson pour composer un texte actuel (même s’il est vrai que cela donnera une couleur particulière) tandis qu’il semble difficile de construire aujourd’hui un édifice style Renaissance sans se faire taxer de passéiste ou de nostalgique… Bref, tout ça pour dire que la structure des signes a finalement peu bougé. On se base toujours sur les proportions de la capitale romaine (colonne trajane) et l’italique n’a que peu dérivé de l’écriture de chancellerie et des premiers poinçons de Francesco Griffo.

Il y a un schéma intéressant d'Adrian Frutiger dans lequel il superpose des a issus des grandes familles de la classification Vox, afin de faire apparaître une silhouette commune (1). Gerard Unger parle beaucoup de cette structure récurrente dans son très bon ouvrage, While you’re reading (2). Il parle des matrices qui se sont peu à peu gravées dans nos esprits au fil de l’histoire. Ainsi, nous avons dans notre mémoire visuelle des squelettes qui correspondent à chacune des lettres de l’alphabet et qui nous permettent de mieux les reconnaître lors du processus de lecture.
Cependant, il ne faut pas oublier que l’œil ne lit pas les lettres une à une mais les mots entiers. Comme l’explique Émile Javal (3), notre œil lit en faisant des saccades (= saut entre deux fixations) et des fixations (durant lesquelles il lit environ dix signes). Ainsi, l’œil capte la silhouette des mots et non pas les lettres une à une. Cette réflexion illustre tout l’intérêt du schéma d’Hochuli que tu as mis et qui montre que les contours des lettres du Futura sont trop proches pour être bien différenciés. L’œil lira donc les formes du Futura moins facilement.

Je suis donc d’accord avec toi quand tu te dis qu’il y a très peu de marge de manœuvre pour le dessinateur de caractères de labeur. C’est pour ça qu’Unger différencie deux types de pratiques : la typographie de labeur (destinée à la lecture continue, dans des corps de texte) et la typographie davantage destinée au titrage, aux affiches, etc. Même s’il s’agit du même art (celui de dessiner des alphabets), je pense moi aussi que ce sont deux pratiques à dissocier.
Les caractères de labeur nécessitent un certain nombre de caractéristiques difficilement occultables : il n’est pas possible de nier la tradition (les garaldes et les humanes sont toujours utilisées pour la composition des ouvrages, ce n’est pas un hasard), il y’a forcément des impératifs comme la lisibilité et le confort de lecture qui entrent en compte et qui induisent diverses règles élémentaires : respect de la chasse de chaque signe, dessin reconnaissable des lettres, homogénéité de l’ensemble, etc. N’oublions pas que la typographie est un art appliqué qui implique le respect de contraintes, l’adaptabilité à des besoins et à un support. Le créateur n’est pas libre de faire tout ce qui lui passe par la tête, il doit garder à l’esprit qu’à la fin son caractère doit être fonctionnel.
Quand à la typographie « display », elle est totalement dégagée de ces contraintes. C’est seulement pour ce type de caractères qu’il est possible de véritablement innover, de faire table rase du passé et de proposer des choses inédites. C’est notamment dans ce domaine que les graphistes ont la possibilité d’intervenir (Fanette Mellier, M/M, atelier ter Bekke/Behage, Non-Format, etc.). Il me semble donc important de bien différencier les deux pratiques.

Les caractères de labeur doivent donc se faire discrets lorsqu’ils sont composés. Leur principal but est de servir le texte. Pour illustrer cela il y a un très bon article de Beatrice Warde qui a été publié pour la première fois dans The Fleuron (la revue qui était dirigée par Stanley Morison) : The crystal goblet (4). Pour expliquer ce que doit être un caractère de labeur, elle s’appuie sur une métaphore très simple. Elle compare une page de texte à un verre en cristal rempli de vin. La typographie utilisée doit être aussi claire et limpide qu’un verre de cristal. Le caractère de labeur, à l’instard du cristal, révèle et met en avant le contenu sans détour. « The crystal goblet or printing should be invisible ».
Je trouve que cet exemple résume tout à lui tout seul. Selon moi, la typographie de labeur est un terrain de jeu dans lequel on peut encore innover, mais par petites touches (même s’il ne faut pas oublier que les Allemands sont passés du gothique au romain en l’espace d’un siècle !). Pour les sceptiques qui pensent que tout a été fait en typographie, il suffit de regarder les réalisations de designers comme Gerard Unger ou Peter Bil’ak pour voir qu’il est encore possible de proposer des caractères de labeur inédits. Il suffit juste de prendre en compte les habitudes des lecteurs et les siècles de tradition qui peu à peu gravés dans nos mémoires la matrice de chaque lettre. Pour conclure, une citation de Zuzana Licko : « readers read best what they read most ».

M.


(1) Adrian Frutiger, À bâtons rompus. Atelier Perrousseaux, 2001.
(2) Gerard Unger, While you're reading. Mark Batty Publisher, 2005.
(3) Émile Javal, Physiologie de la lecture et de l'écriture. Cepl, 1978.
(4) Beatrice Warde, « The crystal goblet », in Sixteen essays on typography, 1932.


Italique de Francesco Griffo (1547). Photo © N.

 

Schéma d'Adrian Frutiger montrant la structure commune des lettres (ici le a)

1 novembre 2010

Entre tradition et innovation

 Je suis en train dessiner ma première typographie de labeur et je me demande: comment est-ce possible d’expérimenter, d’innover  tout en restant lisible ? 

« [...]  savoir lire, c’est neutraliser inconsciemment la variation typographique des tokens (1) de façons à décoder sans efforts les types qui se cachent derrière toutes les façons d’imprimer l’alphabet. » (2)
Si notre regard est habitué par éducation au squelette (3) de la lettre existante depuis des siècles, comment faire pour s’en éloigner et s’approprier un dessin de caractère ? (ce qui renvoi à l’article précédent de M. concernant l’homogénéité des typographies produites à Reading (dont je ne remets pas en question la qualité, mais la diversité).

Une typographie réussie doit être lisible et pour cela invisible (4). En effet, le dessin de caractère ne doit pas être vu, mais lu. Une bonne typographie doit permettre à son lecteur de l’ignorer afin qu’il se concentre essentiellement sur le contenu du texte.
Prenons par exemple le livre Typefaces as program (5), la typographie du texte courant (dessiné par David Keshavjee et Julien Tavelli si mes souvenirs sont bons) confirme cette règle. À la lecture de ce très bon ouvrage (justement constitué de recherches et d’expérimentations typographiques),  j’ai été dérangé par le dessin du e particulièrement (6). En effet, cette lettre est dessinée de manière assez sèche, un axe vertical termine sa forme, amenant ainsi une rupture par rapport à l’espace ou à la lettre suivante.
Remontons encore plus loin, avec le Futura qui a traversé des décennies. Il arrive que cette typographie soit employée pour du texte courant. Pourtant, il me semble qu’il ne soit pas le plus aisé à lire. En tant que sans-sérif géométrique, il est difficile à lire (de façon fluide) car les lettres sont peu distinctes les unes des autres (7). Notre regard doit davantage placer la lettre au sein du mot qu’elle compose pour parvenir à lire. Ainsi la lecture n’est pas la plus optimale possible. Mais cela amène à un autre débat, celui entre les sérifs et les non-sérifs, dont je ne traiterai pas cette fois-ci.
Je veux dire par là, que Paul Renner tout comme nombreux de ses confrères, avait le désir de pousser les limites de la lecture en s’éloignant du squelette traditionnel de la lettre, que nous connaissons. Il a cherché de nouvelles formes. Faut-il ainsi expérimenter et amener du nouveau, quitte à brusquer le lecteur ?

Je me souviens lorsque Dimitri Bruni & Manuel Krebs (Norm) ont sorti le Replica, il y a exactement deux ans, ils ont été accusé de refaire un nouvel Helvetica (alors que ce dernier est fortement inspiré de l’Akzidenz Grotesk, je rejoins Martin Majoor sur ce point :) Ainsi je m'interroge tout haut : n’est-ce pas un leurre de croire que l’on peut innover et concevoir du neuf  en s’éloignant fortement des dessins dit plus traditionnels ?

Si je devais aujourd’hui en tirer une conclusion, je répondrai oui , que le dessin de labeur évolue doucement mais sûrement, comme nous pouvons le constater face à sa progression au cours de ces derniers siècles. Ce n’est pas pour rien si des typographies tel que le Baskerville sont appelées transitionnelles. La typographie se transforme peu à peu, confrontée à des changements techniques et face à de nouveaux modes de lecture. J’aime penser que la typographie de labeur participe à l’éloge de la lenteur. Mais je suis peut-être, tout simplement, trop conservatrice...
Alors pour réconcilier ceux qui ne seraient pas de mon avis, je finirai sur une phrase réconfortante de Melville : « Mieux vaut échouer dans l’originalité que réussir dans l’imitation. »

S.



(1) voir tableau ci-dessous
(2) provenant de l’article de Marc Arabyan, Le choix typographique, dans La typographie du livre français, sous la direction d’Olivier Bessard-Banquy et Christophe Kechroud-Gibassier, Les cahiers du livre, Presses universitaires de Bordeaux, 2008, p.211

(3) Adrian Frutiger, Histoire des Antiques, série d’articles parue dans la Revue suisse de l’imprimerie et reprise en tirage à part à l’enseigne de l’École romande des arts graphiques, Lausanne, et société linotype France, 1989.

(4) Jean-François Porchez, La typographie, c’est l’invisible, dans La typographie du livre français, sous la direction d’Olivier Bessard-Banquy et Christophe Kechroud-Gibassier, Les cahiers du livre, Presses universitaires de Bordeaux, 2008, p.85

(5) François Rappo, Typefaces as program, JRP Ringier, 2010. (malheureusement épuisé)
(6) voir l’image ci-dessous.

(7) Jost Hochuli, Le détail en typographie, Édition B42, 2010, p.17.



 (1)
provenant de l’article de Marc Arabyan, Le choix typographique, dans La typographie du livre français, sous la direction d’Olivier Bessard-Banquy et Christophe Kechroud-Gibassier, Les cahiers du livre, Presses universitaires de Bordeaux, 2008, p.210



 (6)
 François Rappo, Typefaces as program, JRP Ringier, 2010. 



 (7)
Jost Hochuli, Le détail en typographie, Édition B42, 2010, p.17.




29 octobre 2010

Calligraphie et robotique


Deux vidéos issues du site Robotlab. Il s'agit de trois personnes qui ont créé un robot muni d'une plume calligraphique capable de reproduire à l'identique toutes les pages de la Bible (je n'ai pas réussi à savoir quelle Bible avait été prise pour modèle). C'est assez impressionnant de voir la précision du bras articulé et plutôt rageant lorsqu'on s'essaye à la calligraphie…

M.

28 octobre 2010

Reading

Au passage, voici le lien présentant les travaux de la dernière promotion de Reading. Je trouve l'ensemble très (ou trop?) homogène, il y a de nombreux caractères qui se ressemblent et rien ne semble vouloir sortir du lot. Sauf quelques rares exceptions, c'est peut-être un peu trop sage. Quoiqu'il en soit, il y a quand même de belles choses à voir !

M.

26 octobre 2010

Pour le plaisir des yeux

Bram de Does, Lexicon

Bram de Does, Lexicon

Bram de Does, Lexicon

Peter Verheul, Rijksoverheid

Quelques photos prises à la bibliothèque de l'Université d'Amsterdam. Les trois premières photos montrent des dessins originaux de Bram de Does pour la réalisation du Lexicon (réalisé entre 1989 et 1992 pour un dictionnaire). Le caractère est largement inspiré du Trinité (réalisé entre 1979 et 1982) mais son dessin est spécialement adapté à la composition en petit corps (7 pt).
La dernière photo est une planche contenant des dessins originaux de Peter Verheul pour la police de caractères destinée à la communication du gouvernement néerlandais (projet d'identité remporté par le studio Dumbar qui a ensuite fait appel à Verheul pour la création de caractères).

M.

18 octobre 2010

Bienvenue !

(Manuel typographique de Pierre-Simon Fournier, 1764)

Un petit clin d'œil au nom du blog. Avant la mise en place du point typographique, les corps de texte étaient désignés par tout un tas d'appellations : Parisienne (corps 5 actuel), Nompareille (6), Mignone (7), Gaillarde (9), Petit-romain (10), Philosophie (11), Cicéro (12), Saint-Augustin (14), Petit-parangon (20), Gros-parangon (22), etc.

M.