23 décembre 2010

Introduction de la lecture à travers la neurologie

Les premières traces de l'Homme remonte à environ 32 000 années, sur la base de peintures retrouvées dans la grotte Chauvet (trace symbolique de la main). Plus récemment encore, avec les découvertes de Lascaux, dans laquelle on retrouve des signes qui sont une tentative symbolique de représentation. Mais nous ne pouvons pas encore parler de langage. 
Sa représentation arrivera beaucoup plus tard, il y a seulement 5400 ans, où l'Homme a imaginé qu'il pouvait représenter le langage. Il s'est rendu compte que ses dessins pouvaient perdre leur caractère descriptif et tendre vers des dessins strictement symboliques, avec un lien arbitraire entre la forme et la signification. Et de tels systèmes d'écritures sont alors apparus dans différents endroits du monde, avec des principes légèrement différents (on peut par exemple comparer l'écriture latine aux hiéroglyphes). 
Ces systèmes de symboles ont permis le développement de nombreuses activités humaines : l'enregistrement de la mémoire, ou encore l'organisation de systèmes mathématiques. 

Nous avons développé des aptitudes dans une but de communication, soit par le développement de la parole qui passe de façon schématique par la bouche, ou encore par le développement de l'écriture qui passe par le biais des yeux. 
La lecture est un fait culturel. Si le taux d'alphabétisation est resté autrefois si élevé c'est bien qu'il s'agit d'une question d'éducation, d'un apprentissage. 
En effet, notre cerveau n'est pas naturellement prévu pour lire. Nous sommes parvenus à en détourner son système afin de pouvoir lire. Il se trouve dans la partie gauche du cerveau, une zone qui a pour fonction d'analyser des informations graphiques rapidement. Autrefois elle devait être particulièrement active pour repérer les prédateurs ou les proies. D'où désormais son adaptation possible à la lecture. Nous savons qu'un bon lecteur parvient à lire trois cents mots en une minute par le biais de saccades.

De cette manière le dessin des lettres a été pensé pour se rapprocher au mieux de nos aptitudes visuelles. Cela nous a conduit à dessiner des droites, des courbes, des lignes horizontales et verticales, que nous sommes capables de reconnaître facilement et que notre cerveau peut enregistrer efficacement. Les formes des lettres ont été adapté selon les propriétés de nos yeux, puis nous avons ainsi développé des habitudes et des automatismes pour les reconnaître. Nous avons ainsi constitué des squelettes de lettres (pour renvoyer une fois de plus au schéma d'Adrian Frutiger montrant la structure commune des caractères romains, sur la base de la classification de Maximilien Vox). 
Pour boucler le boucle, je terminerai cet article en disant que notre connaissance repose sur des matrices dont nous nous éloignons peu, car elles font parties de notre mémoire collective. Et finalement si elles perdurent c'est bien parce qu'elles ont été conçu pour répondre au mieux à nos facultés cérébrales. 

Il doit être intéressant de parcourir les nombreuses et différentes écritures conçues de part le Monde, afin de réaliser les diverses possibilités.   

S.


Les mécanismes cérébraux de la lecture, de Stanislas Deheane, 
au Collège de France.
While you're Reading, Gerard Unger, éd. Mark Batty Publisher, 2007.



21 décembre 2010

Adso chez BAT

Présentation de l'Adso, dessiné par Bruno Bernard, chez BatFoundry.
Il a choisi de revisiter la gothique. Objectif périlleux, mais plutôt réussi, non ? Il a trouvé un bon compromis, entre le caractère romain que nous connaissons bien, tout en y attachant des caractéristiques propres à la gothique. Son discours y ajoute une dimension intéressante. Il a la volonté de donner une deuxième vie au gothique, en l'éloignant des connotations qui lui sont attachées, et tout en se le réappropriant. 

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(Je me permets un petit constat, étant particulièrement attentive aux sous-titres. Ils ont opté pour une typographie à chasse réduite, faible montante et descendante, donc une assez grande hauteur d'œil et avec des terminaisons qui se réduisent. Le choix de la couleur jaune, qui apparaît de façon récurrente sur le fond blanc, ne ressort pas suffisamment avec la faible ombre portée. Ils ont également choisi de rester sur une seule ligne ce qui crée de longues phrases. Difficile de dire ce qui marche ou pas, mais c'est toujours intéressant de comparer.)

S.

17 décembre 2010

Le Times en pharmacie



Petite disgression. Je profite de la maladie pour me pencher sur une notice de médicament. Et je découvre un Times bien bien étroitisé. En tout les cas, il ne faut pas être fébrile des yeux !
On peut peut-être commencer une collection de notices ?

S.

15 décembre 2010

Perception de la lettre et du mot

Les sous-titres amènent à une lecture différente que celle que nous avons l'habitude d'exercer et là est toute la richesse mais aussi la complexité de ce sujet.
D'après une conférence de Stanislas Deheane(1) sur Les mécanismes cérébraux de la lecture, lorsque nous sommes enfants et que nous apprenons à lire, nous avons une lecture sérielle, c'est-à-dire que nous lisons lettre par lettre. Petit à petit, avec l'expérience, notre lecture devient globale, nous reconstituons l'image-mot, comme tu le soulignes à travers l'exemple d'Herbert Spencer.
En revanche, lorsque la lecture est perturbée, notre lecture déstabilisée redevient alors une lecture sérielle. De ce fait, l'importance de la silhouette est plus fragile à l'écran en tant que sous-titres.
Du coup, en ce moment je n'explore plus seulement le dessin de caractère lettre par lettre, mais j'essaie aussi de penser la lettre dans le mot, afin d'essayer de valoriser la silhouette, cette information qui est détériorée. De ce fait, j'accentue les montantes et le descendantes. Je joue avec l'interlettrage. Je bouche les contre-formes. Je mets en place un ligne qui guide le regard, qui stabilise le mot. J'expérimente. (Je montrerai bientôt des essais.)

Autre point par rapport à notre lecture, notre regard se porte plus généralement sur la partie supérieure des lettres et ça revoit aussi au test du notaire Leclerc(2) qui montre que nous pouvons lire seulement avec la partie supérieure des mots. Du coup dans l'accentuation des distinctions entre les lettres, je me focalise davantage sur la partie supérieure des lettres. 
85% des lettres ont une partie supérieure, 15% seulement ont une partie inférieure. Par en haut, nous trouvons toutes les capitales, tous les accents, les points des i j et les montantes des lettres b d f h k l t. Tandis que pour le bas, nous trouvons seulement les lettres g j p q et y. (Ce calcul vaut particulièrement pour les langues ayant des accents.)

Nous avons vu que les caractères étroits que l'on retrouve parfois dans les annuaires relèvent d'une lecture discontinue.
En effet, les sous-titres ne sont jamais des textes très importants en terme de quantité (exemple pour Arte (ça varie d'une chaîne à l'autre), le maximum est de 35 signes maximum par lignes (espaces compris) et sur deux lignes maximum).
Néanmoins, la lecture de la phrase dans son ensemble est très importante, car si la lecture d'un mot échappe, il pourra être deviné dans l'ensemble de la phrase, bien sur aussi dans le contexte de l'histoire.
C'est la même chose que sur le papier, mais en plus extrême car on ne maîtrise pas le rythme de la lecture. On ne peut pas décider de revenir en arrière. Lorsque l'on lit, on récupère très peu d'informations à la fois. On lit par saccades, 3 à 4 saccades par seconde. Et le cerveau reconstitue le sens de la phrase sur la base d'acquisition d'informations à partir des mots isolés.

Notre cerveau fait un sacré boulot. Voilà pourquoi tant de personnes préfèrent regarder des films doublés. On y perd en authenticité mais pas en énergie cérébrale.

S.



(1) Les conférences de Stanislas Deheane 
sont en écoute sur le site du Collège de France.


(2) Ladislas Mandel, explorateur de la typo française
par Olivier Nineuil, Typographie.





7 décembre 2010

Un petit corps ne va pas de pair… (suite)

Un caractère large a l’avantage d’avoir de grandes contreformes et ainsi de faciliter la reconnaissance des signes en petit corps. Il faut donc garder à l’esprit qu’une bonne distinction des lettres est importante pour une lecture rapide, comme c’est le cas pour les sous-titres (va voir les projets de caractères pour la signalisation routière). Un caractère trop étroit va te contraindre fortement et va compliquer la distinction entre les signes. Ainsi, quand on regarde un texte composé à l’aide d’un caractère condensé, on voit assez nettement que tous les caractères s’homogénéisent à cause de leur verticalité. Les signes sont donc plus difficilement lisibles.

Il semble donc qu’un caractère condensé soit plus propice à une lecture discontinue qu’à une lecture continue. Je ne suis pas un spécialiste du sous-titrage, mais il me semble que ce ne sont jamais de gros pavés de texte, donc dans ton cas ça pourrait plutôt convenir. Surtout que tu as totalement raison en disant que ça serait plus compatible avec de courtes justifications. Évidemment, il s’agira pour toi de ne pas aller dans les extrêmes et de ne pas proposer un caractère trop étroit.

Un caractère étroit est donc théoriquement moins lisible qu’un caractère à la chasse généreuse. Cela dit, si tu perds en lisibilité au niveau de tes contreformes, à toi d’aller en récupérer sur d’autres fronts ! Ainsi, d’après moi, Il ne faudra pas que tu exagères trop l’œil de ton caractère afin que les dépassantes restent de taille suffisamment importante. 

Comme l’illustre le schéma d’Herbert Spencer (fig. 1), l’œil appréhende les mots grâce à leur silhouette et leur structure. Une silhouette facilement reconnaissable passe par des dépassantes généreuses. Puisque la structure de tes mots (= contreformes) sera limitée par l’aspect condensé de ton caractère, je pense qu’il faudra donc que tu accentues les dépassantes en vue de faciliter la lecture. Comme ça tu pourras regagner en « silhouette » ce que tu perds en « structure ».

Pour finir, un exemple intéressant de caractère condensé : le Jalleau. Ce caractère a été réalisé par Franck Jalleau en 1995 pour le Code des impôts (fig. 2 & 3). La demande était simple : pour des raisons de coût, le format du Code a été réduit mais il fallait que le nombre de pages reste le même (ils sont passés du format A4 au format 135 x 190 mm…). Pour faire face à ce cahier des charges drastique, Franck Jalleau s’est basé sur l’Helvetica condensé corps 7. Il a repris les proportions du caractère qu’il a ensuite réadaptées pour réaliser le Jalleau. Ce projet prouve donc qu’un caractère condensé peut parfaitement convenir à une lecture discontinue en petit corps.

M.

Fig. 1 : Herbert Spencer, The Visible Word, Londres, Royal College of Art, 1968.



Fig. 2 : Code des impôts (© photo : Morgane Rébulard).

Fig. 3 : Code des impôts (© photo : Morgane Rébulard).